Place de la vérité dans les IA

Date de publication : 21-11-2023

Auteur : Xavier Lanne

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La vérité, nous dit Saint Thomas d’Aquin, est l’adéquation de l’intelligence à la réalité. En d’autres termes, la vérité est la capacité de nos esprits à connaître les réalités qui nous entourent et qui ne dépendent pas de nous.

En conséquence, « être vrai » consiste à exprimer ce qu’il y a réellement dans notre pensée.

Or, dans un monde où l’IA s’interpose dans les échanges, peut-on toujours dire que la vérité a sa place dans notre société ?

Ce qui était craint est aujourd’hui réalité : des processus de recrutements sont entièrement automatisés, faisant fi de la vérité des personnes dans leurs échanges.

Comme le fait remarquer un article de Clubic.com, de nombreuses personnes ont à présent recours à l’IA pour rédiger leurs CV et lettres de motivations. Pour cela, il existe des plateformes sur lesquelles il suffit de renseigner quelques informations personnelles, et des algorithmes se chargent de postuler aux offres d’emploi.

De leur côté, les recruteurs automatisent la sélection des candidats à l’aide de l’IA... En effet, pour traiter un très grand nombre de profils, les recruteurs se tournent vers des outils de traitement automatique pour dénicher le « candidat idéal ».

« IA contre IA. Les demandeurs postulent avec des IA, et les recruteurs recrutent avec des IA ». La situation semble absurde. Elle n’en est pas moins préoccupante.

La question de fond est : quelle place laissons-nous à la vérité dans nos vies ?

Si l’homme ne porte plus son intelligence dans la connaissance des choses ni dans les actions qu’il mène, il se détache de la vérité. Or, un monde qui se détache de la Vérité court à sa perte, comme l’a largement prouvé Jean Daujat.

C’est précisément une nouvelle étape vers le rejet de la vérité qui se réalise implicitement avec l’adoption de l’IA dans nos sociétés : un rejet de l’acceptation de la réalité par la délégation des tâches à des machines. Cela ne veut pas dire qu’il y a mensonge « volontaire », mais qu’il y a manque de vérité. Ici, le cas des interactions entre IA excluant de fait les principaux intéressés que sont les êtres humains, n’est pas ordonné, et ne porte pas les hommes à une connaissance et un accomplissement de la vérité.

Or, il faut être réaliste : l’IA n’est qu’à ses débuts, et cette situation tend à se généraliser. L’écriture de la musique pourrait ne plus demander de compositeurs. La création d’une « relation amoureuse » tend à être automatisée en fonction de la correspondance des profils... Quelle place réservons-nous à la vérité aujourd’hui ? Aucune. Car cela fait déjà trop longtemps que ce principe a été rejeté par nos sociétés modernes. Il ne s’agit certainement pas d’une nouvelle situation. L’adoption de l’IA aux dépens de la vérité est plutôt une étape naturelle qui repose sur les fondements modernes de notre système de pensée.

Dès lors, il n’est plus étonnant que les médias sociaux automatisent l’influence non pour promouvoir la vérité – la recherche de la vérité ne peut pas être automatisée – mais pour manipuler en fonction des besoins économiques ou politiques. Le prérequis à l’automatisation de la lutte d’influence sur les réseaux pose nécessairement une condition à son application : « La vérité ne nous intéresse pas ».

L’humanité n’était certainement pas prête à accueillir vertueusement l’IA. À nous de développer activement les justes limites qui lui revienne et montrer l’exemple dans l’usage que nous en ferons !

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